vendredi 20 janvier 2012

"Le fils du Titien" Alfred de Musset...

"Après le repas, ils montaient en gondole, et s'en allaient voguer autour de l'île des Arméniens;c'est là, entre la ville et le Lido, entre le ciel et la mer, que je conseille au lecteur d'aller, par un beau clair de lune, faire l'amour à la vénitienne"



""Alfred de Musset voyageait peu mais ne pouvait vivre ni écrire sans être amoureux.Aussi, croise-t-on dans l'histoire de sa vie plus de femmes que de villes.Venise, cependant, ville des lunes de miel et des rêveries, lui inspira une de ses plus charmantes nouvelles.L'expérience qu'il y fit avec George Sand évoque pourtant un grand drame passionnel...
Avec Le fils du Titien, il transfigure véritablement cette pénible expérience.Non seulement ses héros s'aiment d'une  passion exclusive et sans ombre, mais tout leur sourit: hasard, talent,richesse.
publiée dans La revue des deux monde du 15 mai 1838, cette nouvelle apporte une réponse à la question qui préoccupait Musset: si l'on ne peut unir l'art et la vie, que faut-il sacrifier?
Pippo, le fils de Titien, choisit délibérément de sacrifier l'art et voue ainsi sa vie à l'amour.""

 Un chef d’œuvre naîtra cependant de cet amour. */**

Béatrix Donato fut le doux nom de celle
Dont la forme terrestre eut ce divin contour.
Dans sa blanche poitrine était un cœur fidèle,
Et dans son corps sans tache un esprit sans détour.

Le fils du Titien, pour la rendre immortelle,
Fit ce portrait, témoin d’un mutuel amour ;
Puis il cessa de peindre à compter de ce jour,
Ne voulant de sa main illustrer d’autre qu’elle.

Passant, qui que tu sois, si ton cœur sait aimer,
Regarde ma maîtresse avant de me blâmer,
Et dis si par hasard la tienne est aussi belle.

Vois donc combien c’est peu que la gloire ici-bas,
Puisque, tout beau qu’il est, ce portrait ne vaut pas,
(Crois-m’en sur ma parole) un baiser du modèle.

 
*.  Ce tableau a réellement existé.On le sait grâce aux recherches d'un amateur célèbre.

**Le texte intégral  de la nouvelle est disponible sur le net.



 Les boni de l'édition papier : 
*un avant-propos très finement écrit, signé Emilie CAPPELLA et 
*un article éloquent ,signé Jules Barbey d'Aurevilly, publié dans Le Constitutionnel en 1877, (alors que Paul de Musset propose une biographie de son frère décédé 20 ans plus tôt):

" Hermine de pensée et de coeur jusqu'à sa dernière heure, qui mourut de ses taches encore plus que de ses blessures, pour qu'il fût bien et dûment puni d'avoir, étant hermine, cru qu'on peut se guérir de ses blessures en se roulant dans le ruisseau de feu du vice, comme le bison dans son bourbier"
* la biographie de Musset en suivant les dates importantes de sa vie.

Illustration de couverture: Santa maria della Salute, clair de lune à Venise
aquarelle de Sir Edward John POYNTER( 1836-1919)

jeudi 19 janvier 2012

Le donne Querini....Elisabetta..(1)

Elisabetta QUERINI
 NICOLO' CASSANA (Venezia, 1659 - Londra ?, 1713)



 NICOLO' CASSANA (Venezia, 1659 - Londra ?, 1713)


Silvestro Valiero est le fils de Bertuccio Valiero, doge de 1656 à 1658. Il a 19 ans lorsqu'il épouse (le 8 août 1649), en l’église Santa Maria Formosa de Venise, Elisabetta Querini et devient procurateur en achetant la fonction.

 Canaletto
Selon les chroniqueurs, il avait  une belle prestance et une bonne éloquence. Pendant sa carrière politique, il se consacra surtout à la voie diplomatique où il put mettre en avant ses qualités. Aimant la belle vie, il était aussi  généreux avec les pauvres et  il s'attira leur sympathie.


Son élection en tant que doge fut généralement approuvée et il obtint pour sa femme les honneurs du couronnement, un honneur jusqu'alors seulement accordé à deux dogaresses. La première fois à la femme de Pasquale Malipiero en 1457 et la seconde fois à celle de Priuli en 1556.( La cérémonie d'investiture de la dogaresse avait été supprimée par le Grand Conseil en 1645)

 Elisabetta QUERINI  se présenta le 4 mars 1694, ainsi qu'en témoigne son portrait ci-dessus,« vêtue d’une robe en drap d’or ornée de zibeline, coiffée d’un voile blanc et du bonnet ducal rehaussé de bijoux, la poitrine parée d’une croix en diamants», avant de prendre place sur le trône et d’y recevoir conseillers, ministres, magistrats, chefs des Dix.  

Elle sera la dernière dogaresse  en l'honneur de laquelle fut organisée une fastueuse cérémonie d'investiture .

 A l’occasion de ce «  couronnement » un concert privé fut donné au Palais ducal  au cours duquel fut créée une courte cantate «  Le songe de Vénus", en l’honneur de la dogaresse. Installée sur un trône en or , elle était entourée de 400 nobles dames, très élégamment vêtues et  couvertes de perles et de diamants  (ce 'faste" étant  autorisé pour la circonstance) . Un banquet et  un bal terminèrent cette journée d'exception.


Si le compositeur de cette cantate est tombé dans l’oubli le  livret, lui, est signé Girolamo GIGLI(clic)


Francesco GUARDI


***
Copyright :MuseumPlanet



Le monument Valier (1708) dans la nef à droite de San Giovanni et Paolo,  est l'œuvre de Andrea Tirali (vers 1660-1737), déjà néo-classique dans San Vital ou dans les Tolentini. Cependant il nous présente ici un baldaquin très pompeux, avec d'immenses rideaux qui séparent trois scènes ou « maisons » de théâtre : celle du centre, réservée au Doge Bertucci Valier, mort en 1658 (et dont la statue est de Pietro Baratta) ; celle de droite, pour le Doge Silvestro Valier, mort en 1700 (sculpture par Antonio Tarsia) ; celle de gauche, pour la Dogaresse Elisabetta Querini- Valier, morte en 1708 (par Giovanni Bonnaza ). Le monument Valier est, probablement, le dernier exemple de « façade funéraire », dans ce goût théâtral qui coïncide, naturellement, avec une apogée du décor de théâtre.






*Sources : Wikipedia  & Google books
**" La vie privée à Venise depuis l'origine jusqu'à la chute de la République "de Pompeo MOLMENTI
** Histoire de Venise .Henri GAMBIER




mardi 17 janvier 2012

Pietro QUERINI, le Vénitien qui découvrit le Baccalà

Francesco GUARDI
 ""Ce tableau illustre avec force ce qui fut la malheureuse odyssée de "La QUERINA,  navire vénitien et de ses matelots."



Pietro QUERINI
 Navigateur et marchand vénitien né à la fin du XIV e siècle,
 issu d'un rameau de la célèbre famille patricienne .



Le 25 avril 1431, la nef vénitienne Querina quitte le port de Candie en Crète à destination des Flandres avec à son bord soixante-huit hommes et une cargaison de Malvoisie et de bois. Après avoir traversé la Méditerranée d'est en ouest sans difficulté majeure, la Querina heurte un récif à l'entrée du port de Cadix et doit faire relâche durant près d'un mois et demi. Fin-août, la Querina fait son entrée à Lisbonne d'où elle repart fin-septembre ; un mois plus tard elle fait une ultime escale de deux jours à Muros en Galice, le temps pour Pietro Querini et treize membres de son équipage d'une rapide visite à Saint Jacques de Compostelle.
Ayant traversé le golfe de Gascogne, la Querina se prépare à entrer en Manche quand une violente tempête se lève 1. Commence une interminable et harassante dérive ; vents et courants contraignent la nef à contourner l'Irlande puis la poussent toujours plus au nord vers la mer de Norvège. Le 17 décembre, constatant le délabrement de la nef, l'équipage embarque à bord des deux chaloupes du bord — « ce jour-là, vers 22 heures, sachant qu'entre deux malheurs, il vaut mieux choisir le moindre, nous décidâmes de quitter l'océan de feu pour entrer dans la fournaise » (Cristoforo Fioravante et Nicolò de Michiel). La nuit a tôt fait de séparer les deux embarcations ; plus tard, les survivants croiront trouver les débris de l'ossature et des varangues de l'autre esquif : « nous eûmes alors la certitude que les compagnons qui y avaient embarqué la nuit où nous nous étions séparés étaient morts noyés » (Cristoforo Fioravante et Nicolò de Michiel).
Le 3 janvier 1432, les rescapés aperçoivent une île et, trois jours plus tard, ils peuvent enfin mettre pied à terre : « le 6 janvier, le jour solennel de la pâque de l'Épiphanie, nous fûmes dix-huit à débarquer dans ce lieu désert et aride appelé l'île des Saints, située sur la côte de la Norvège et soumise à la couronne de Dacia » (Cristoforo Fioravante et Nicolò de Michiel). Mais l'île des Saints — Sandøy — n'est qu'un îlot désert à l'extrême sud de l'archipel des Lofoten, au-delà du cercle polaire arctique. En plein hiver, la robinsonnade des marins vénitiens tient du cauchemar ; ils ne sont plus que onze quand, un mois plus tard, des pêcheurs de l'île voisine de Røst viennent les arracher à leur précaire asile. Les six semaines qui suivent voient s'inverser le sort cruel des naufragés qui croient avoir atteint le premier cercle du paradis. Ils sont ensuite conduits sur le continent d'où ils peuvent regagner Venise, les uns par l'Angleterre, les autres par l'Allemagne.

  Le valeureux capitaine qui a échappé à la tourmente a laissé son nom gravé dans la pierre , dans le froid et bien loin de Venise.""




 Cette aventure nous est connue grâce à deux textes rédigés au retour à Venise, le premier par le capitaine et patron du navire, Pietro Querini, le second par deux marins, Cristoforo Fioravante et Nicolò de Michiel. Ces textes ont été publiés, et traduits en italien, pour la première fois par l’érudit vénitien Giovanni Battista Ramusio, dans son ouvrage Navigationi e viaggi (1550-1559).

Au-delà de divergences factuelles rares et sans grande portée, ces textes mettent en lumière la violence de l'épreuve et, par contraste, l'acuité et surtout la fraîcheur du regard porté sur le monde radicalement différent, aux yeux de ces méditerranéens, d'une communauté de pêcheurs aux lointaines Lofoten — dans la forme, dans le choix même de certains mots, dans le contenu et l'intention d'ensemble du propos s'entend comme un écho annonciateur d'une littérature utopisante encore à venir (L'Utopie de Thomas More ne paraît qu'en 1516).""

 Source & compléments d'information

Cristoforo Fioravante et Nicolò de Michiel : Ici, cent vingt pêcheurs habitent dans douze maisons ou cabanes. Ils n'ont d'autre ressources que le poisson qu'ils pêchent. (…) Ils échangent les fruits de leur travail les uns contre les autres. Ils vendent des poissons séchés au vent, que dans leur langue ils appellent stock-fisch. Ils en apportent dans toute la Dacia, la Suède et la Norvège, royaumes soumis au roi de Dacia, où ils les troquent contre du cuir, des tissus ou des vivres qui leur manquent. Mais entre eux, ils n'utilisent aucune forme de monnaie battue.""




*Naufragés .Pietro Querini, Cristoforo Fioravante et Nicolò de Michiel.Traduit du vénitien par Claire Judde de Larivière.

*Il naufragio della Querina, traduzione di Paolo Nelli, Roma, Nutrimenti, 2007.


* Les naufragés de Röst.Benjamin Guéri(2007)



La bande dessinée  de Paolo Cossi 
nous raconte  une histoire, une histoire vraie, un fait historique : comment le baccalà a-t-il atteint Venise ? Comment en 1432 un noble vénitien du nom de Pietro Querini a-t-il survécu au naufrage de son navire pour revenir chez lui avec un mets inconnu : la morue séchée ?
Tandis qu'en 2008 un jeune couple visite Venise, Pietro Querini embarque sur son navire pour rejoindre les Flandres en 1432. Des problèmes techniques et une tempête auront raison de son bateau. Seule une partie de l'équipage parvient à survivre et sera sauvée sur l'île de Rost par des Norvégiens : découverte d'une autre façon de vivre, d'autres saveurs... Après quelques mois, ils repartent chez eux avec le baccalà, la morue séchée, qui sera savouré six siècles plus tard en crème par le jeune couple de touristes...
Les amoureux d'Histoire seront comblés par le souci du détail de Paolo Cossi : entretiens nombreux avec le propre descendant de Pietro Querini, travail sur son manuscrit du XVe siècle, recherches documentaires pour les décors vénitiens. Et les amoureux des histoires, anecdotes et récits en tout genre adoreront les explications de l'oncle Paolo sur Venise, ils seront aussi séduits par cette très belle idée de relier la grande Histoire au quotidien contemporain. Les dessins de Paolo Cossi tout en finesse et en élégance lorsqu'il s'agit d'architecture, tout en violence et en émotions pendant le naufrage nous embarquent définitivement...



lundi 16 janvier 2012

Francesco Querini et le "Paradis" blanc...

 Photo  année 2008

« Le 16 août, tout étant embarqué à bord, je me décidai à quitter la baie. À une heure et demie après minuit, nous nous mîmes en mouvement et, lentement, nous nous éloignâmes de la côte. En passant devant la glace de la baie qui nous avait si longtemps retenus prisonniers, nous poussâmes trois hurrahs! Mais nos cris réveillèrent un douloureux écho dans nos âmes; en ce moment, le souvenir de nos camarades qui ne devaient pas revenir avec nous vivait plus que jamais dans nos cœurs! Nous avions presque complètement perdu l’espérance de les revoir. Nos regards se tournaient vers le nord, au delà des eaux libres, du côté des glaces lointaines où devaient malheureusement se trouver les dépouilles du brave Querini, du courageux Stökken et du fidèle Ollier, dépouilles qu’il ne nous serait jamais possible d’aller prendre, car la mer Arctique est jalouse de ses secrets. Puisse du moins venir bientôt le jour où, lorsque le mystère polaire sera dévoilé, le nom de ceux qui lui ont offert leur vie en holocauste brillera d’une gloire plus éclatante; le jour où l’homme, triomphant enfin de ces régions glacées et inhospitalières, vengera tous les sacrifices et toutes les vies perdues dans cette lutte séculaire!… » (page 176)
Expédition de l’Étoile Polaire dans la mer Arctique 1899 – 1900, Louis Amédée de Savoie, duc des Abruzzes, traduit de l’italien et résumé par M. Henry Prior, Hachette, 1904.





 Je pensai leur parler(...) d'un monument solitaire à Francesco Querini et ses deux chiens de traîneau sculptés dans cette pierre d'Istrie de la même couleur, je crois, que ce qu'il vit juste avant de mourir lors de son périple maudit vers le pôle nord, lui qui écoute maintenant le bruissement éternel du feuillage toujours vert des Giardini en compagnie de Wagner et de Carducci;
Joseph Brodsky, Acqua alta, pp.83-84


La maison des Querini , piscina San Samuele
En 2011, la façade  a été restaurée.

La première expédition polaire en traîneau à chiens, sous le drapeau italien, a atteint la latitude de 86°34, N, la plus septentrionale de la planète jamais franchie par l'homme. L'Américain Robert Edwin Peary lui succéda en 1907 en franchissant cette latitude, expédition qui précéda celle d'avril 1909, qui prétendit faussement avoir atteint le pôle géographique.
Organisée avec rigueur militaire, une rare précision scientifique et d'importants moyens, l'expédition de l'Etoile Polaire, voulue et dirigée par S.A.R. Louis Amédée de Savoie, duc des Abruzzes, vient de battre le record établi par le Norvégien Fridtjof Nansen, le plus grand explorateur du siècle. Puis commence le long calvaire du retour de ces quatre hommes dont le célèbre capitaine Cagni. Le danger mortel est permanent. Le 23 juin, le brouillard se dissipe : émus, ils aperçoivent la base hivernale de l'expédition et le navire. Le 16 août, libérée de l'étreinte des glaces, l'Etoile Polaire fait route vers le sud, l'Italie.
Renouant avec un glorieux, mais lointain passé, qui remonte aux Caboto et à Verrazzano, l'Italie retrouve ainsi sa place parmi les nations engagées dans l'exploration des hautes latitudes. Témoignage passionnant, l'Etoile Polaire figure parmi les grands classiques de la littérature de voyage consacrée à la conquête du Pôle nord. Pour Jean Malaurie, c'est un grand sujet d'interrogation que le peuple italien, si redouté et admiré lorsqu'on l'appelait romain, paraisse dans la conscience internationale, depuis le Risorgimento, comme cantonné à des destins mineurs. Le duc des Abruzzes, héros polaire incontestable, et le général Umberto Nobile, premier conquérant du Pôle, restent méconnus.

 Dans l'Océan Arctique, le Jackson Land et la petite île qui porte le nom de Francesco QUERINI( X)

.............à suivre...demain....une autre aventure...familiale ou presque..

dimanche 15 janvier 2012