Photo: ZEN
" Elle est toute au silence et à la nuit; elle est toute de solitude lunaire.Je parcours ses calli désertes, je traverse ses campi vides qu'encadrent des façades obscures, ses ponts où mon pas ne croise nul pas.{...}je marche comme dans un rêve, le rêve d'une ombre qui errerait dans une ville morte, et cependant, je sais fort bien où je vais.
Ce chemin, je l'ai parcouru cent fois; j'en connais tous les détours, les heures de lumière et de soleil aussi bien que les aspects nocturnes.
Cent fois, j'ai tourné l'angle de cette calle, monté les marches de ce pont, suivi cette fondamenta.Cent fois, mon pas a retenti sur les dalles de ce campo, sous la voûte de ce sotto portico. Je reconnais ce campiello où coule une fontaine.Maintenant, je n'ai plus qu'à contourner le mur rouge de ce jardin et à enfiler ce ramo. Me voici arrivé. Au branle de la sonnette, cette porte va s'ouvrir et je n'aurai même pas à dire : c'est moi..."
Henri de Régnier.
L'altana ou la vie vénitienne.1899-1924.
Edition Bartillat.Page 191.:-)