"Bien nobles est qui en soy a bonté,
Il n'est tresor qui a tel valeur monte,
Et en hault pris bien doit estre monté
Cil qui est bon; et aussi toute honte
Doit bien le mauvais avoir;
Pour tant, s'il a grant poissance ou avoir,
Ou que si bel soit que riens ne lui faille,
S'il n'a bonté, trestout ne vault pas maille.
La première féministe française identifiée et estampillée est
Christine de Pisan,
née à Venise en 1364, fille de Thomas de Pisan (originaire de
Pisano en Italie) astrologue, médecin et conseiller du roi Charles V
(dit le Sage).
Peu après la naissance de sa
fille Christine , en 1365, il se rend à Bologne pour affaires et y reçoit des
messages de Louis Ier le Grand , roi de Hongrie, et de Charles V , roi de
France, qui lui font des offres brillantes pour l'attirer auprès d'eux.
Après de longues hésitations, il finit par choisir la France à cause de la
personnalité de Charles V, de la renommée de l'Université de Paris et de
la splendeur de la cour française. Le roi lui fait bon accueil et le
prend à ses côtés en tant que conseiller. Conquis par sa science et ses
précieuses connaissances, il ne veut pas le laisser repartir au bout d'un an et
lui offre de payer le voyage de sa famille et d'aider à son entretien pour que
celui-ci reste auprès de lui. Thomas hésite pendant près de trois ans, puis
finit par accepter.
Sa femme et la jeune Christine, âgée seulement de cinq ans, magnifiquement parées de riches costumes vénitiens, arrivent au Louvre (1368) et sont présentées au roi qui leur fait le plus gracieux accueil.
Mariée à quinze ans à un jeune
secrétaire du roi, elle connaît une vie conjugale réussie qui s'interrompt
brutalement, dix ans plus tard, avec la mort précoce de son mari, emporté par
une épidémie. La jeune veuve se retrouve assaillie par des créanciers, en
charge de ses trois enfants, de sa mère, et d'une nièce.
Son chagrin persistant, le regret
profond de la présence de son mari, la nécessité de survie la poussent au
travail, retirée dans la "chambre à soi" dont elle dispose. "Seulette
suis et seulette veuil estre".
Poète, historienne, moraliste, elle devient la première femme de lettres à vivre de sa plume. Ses écrits se font nombreux à partir de 1399 : elle commence par ballades et rondeaux puis ressent le besoin d'écrits plus sérieux où souvent elle regrette l'absence des femmes dans le "débat" public. Ainsi, Le Chemin de longue estude...
Le plus connu de ses ouvrages, le plus intéressant pour nous par la modernité
de son argumentation et de ses formulations est La Cité des Dames
(1404-1405). C'est un ouvrage de combat : Christine de Pisan veut lutter pour
faire taire l'accumulation des préjugés misogynes ordinaires. Ses preuves en
sont des personnages et des héroïnes.
Sa "forteresse" réunit les nombreux exemples puisés dans l'histoire (et la mythologie) qui prouvent que les femmes sont dotées d'une raison qui les rend dignes du politique, du guerrier, des arts, des sciences et de l'invention, d'une "droiture" qui contredit toutes les idées reçues sur leur indiscrétion, leur infidélité, leur faiblesse ou leur coquetterie, et qui prouve aussi que nombre d'entre elles ont mené une vie juste. Elle affirme clairement que les infériorités attribuées aux femmes sont une construction sociale, un fait d'éducation. "Si c'était la coutume d'envoyer les petites filles à l'école et de leur enseigner méthodiquement les sciences comme on le fait pour les garçons, elles apprendraient et comprendraient les difficultés de tous les arts et de toutes les sciences aussi bien qu'eux". Et elle se dit "navrée et outrée d'entendre des hommes répéter que les femmes veulent être violées... " Elle est la première, par ailleurs, à célébrer l'action de Jeanne d'Arc, dans le Ditié de Jehanne d'Arc, son dernier écrit, en 1430.
Poète, historienne, moraliste, elle devient la première femme de lettres à vivre de sa plume. Ses écrits se font nombreux à partir de 1399 : elle commence par ballades et rondeaux puis ressent le besoin d'écrits plus sérieux où souvent elle regrette l'absence des femmes dans le "débat" public. Ainsi, Le Chemin de longue estude...
La cité des Dames |
Sa "forteresse" réunit les nombreux exemples puisés dans l'histoire (et la mythologie) qui prouvent que les femmes sont dotées d'une raison qui les rend dignes du politique, du guerrier, des arts, des sciences et de l'invention, d'une "droiture" qui contredit toutes les idées reçues sur leur indiscrétion, leur infidélité, leur faiblesse ou leur coquetterie, et qui prouve aussi que nombre d'entre elles ont mené une vie juste. Elle affirme clairement que les infériorités attribuées aux femmes sont une construction sociale, un fait d'éducation. "Si c'était la coutume d'envoyer les petites filles à l'école et de leur enseigner méthodiquement les sciences comme on le fait pour les garçons, elles apprendraient et comprendraient les difficultés de tous les arts et de toutes les sciences aussi bien qu'eux". Et elle se dit "navrée et outrée d'entendre des hommes répéter que les femmes veulent être violées... " Elle est la première, par ailleurs, à célébrer l'action de Jeanne d'Arc, dans le Ditié de Jehanne d'Arc, son dernier écrit, en 1430.
Cette lucidité stupéfiante sur la
condition des femmes est, bien sûr à replacer dans le contexte du début du XVe
siècle. Christine de Pisan est une aristocrate, citadine, femme de cour,
respectant les valeurs de son temps (la chevalerie et l'art de la guerre, la
virginité, la sainteté...). Elle bénéficie de la protection des rois, des
reines, des grands. Ses manuscrits, magnifiquement enluminés, entrent dans les
bibliothèques princières. Sa réputation traverse le XVIe siècle, puis elle
tombe dans l'oubli.
Quand le XIXe siècle ressuscite le Moyen Age littéraire, elle reste ignorée ou dévalorisée comme toutes les femmes auteurs d'autres périodes. Gustave Lanson, historien de la littérature, a ce jugement caractéristique :"Bonne fille, bonne épouse, bonne mère, au reste un des plus authentiques bas-bleus qu'il y ait eu dans notre littérature, la première de cette insupportable lignée de femmes auteurs..." Nous commençons juste à la réévaluer.
Quand le XIXe siècle ressuscite le Moyen Age littéraire, elle reste ignorée ou dévalorisée comme toutes les femmes auteurs d'autres périodes. Gustave Lanson, historien de la littérature, a ce jugement caractéristique :"Bonne fille, bonne épouse, bonne mère, au reste un des plus authentiques bas-bleus qu'il y ait eu dans notre littérature, la première de cette insupportable lignée de femmes auteurs..." Nous commençons juste à la réévaluer.
Civisme et démocratie – CIDEM Les « Parcours civiques » - s
Gallica
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