mardi 17 janvier 2012

Pietro QUERINI, le Vénitien qui découvrit le Baccalà

Francesco GUARDI
 ""Ce tableau illustre avec force ce qui fut la malheureuse odyssée de "La QUERINA,  navire vénitien et de ses matelots."



Pietro QUERINI
 Navigateur et marchand vénitien né à la fin du XIV e siècle,
 issu d'un rameau de la célèbre famille patricienne .



Le 25 avril 1431, la nef vénitienne Querina quitte le port de Candie en Crète à destination des Flandres avec à son bord soixante-huit hommes et une cargaison de Malvoisie et de bois. Après avoir traversé la Méditerranée d'est en ouest sans difficulté majeure, la Querina heurte un récif à l'entrée du port de Cadix et doit faire relâche durant près d'un mois et demi. Fin-août, la Querina fait son entrée à Lisbonne d'où elle repart fin-septembre ; un mois plus tard elle fait une ultime escale de deux jours à Muros en Galice, le temps pour Pietro Querini et treize membres de son équipage d'une rapide visite à Saint Jacques de Compostelle.
Ayant traversé le golfe de Gascogne, la Querina se prépare à entrer en Manche quand une violente tempête se lève 1. Commence une interminable et harassante dérive ; vents et courants contraignent la nef à contourner l'Irlande puis la poussent toujours plus au nord vers la mer de Norvège. Le 17 décembre, constatant le délabrement de la nef, l'équipage embarque à bord des deux chaloupes du bord — « ce jour-là, vers 22 heures, sachant qu'entre deux malheurs, il vaut mieux choisir le moindre, nous décidâmes de quitter l'océan de feu pour entrer dans la fournaise » (Cristoforo Fioravante et Nicolò de Michiel). La nuit a tôt fait de séparer les deux embarcations ; plus tard, les survivants croiront trouver les débris de l'ossature et des varangues de l'autre esquif : « nous eûmes alors la certitude que les compagnons qui y avaient embarqué la nuit où nous nous étions séparés étaient morts noyés » (Cristoforo Fioravante et Nicolò de Michiel).
Le 3 janvier 1432, les rescapés aperçoivent une île et, trois jours plus tard, ils peuvent enfin mettre pied à terre : « le 6 janvier, le jour solennel de la pâque de l'Épiphanie, nous fûmes dix-huit à débarquer dans ce lieu désert et aride appelé l'île des Saints, située sur la côte de la Norvège et soumise à la couronne de Dacia » (Cristoforo Fioravante et Nicolò de Michiel). Mais l'île des Saints — Sandøy — n'est qu'un îlot désert à l'extrême sud de l'archipel des Lofoten, au-delà du cercle polaire arctique. En plein hiver, la robinsonnade des marins vénitiens tient du cauchemar ; ils ne sont plus que onze quand, un mois plus tard, des pêcheurs de l'île voisine de Røst viennent les arracher à leur précaire asile. Les six semaines qui suivent voient s'inverser le sort cruel des naufragés qui croient avoir atteint le premier cercle du paradis. Ils sont ensuite conduits sur le continent d'où ils peuvent regagner Venise, les uns par l'Angleterre, les autres par l'Allemagne.

  Le valeureux capitaine qui a échappé à la tourmente a laissé son nom gravé dans la pierre , dans le froid et bien loin de Venise.""




 Cette aventure nous est connue grâce à deux textes rédigés au retour à Venise, le premier par le capitaine et patron du navire, Pietro Querini, le second par deux marins, Cristoforo Fioravante et Nicolò de Michiel. Ces textes ont été publiés, et traduits en italien, pour la première fois par l’érudit vénitien Giovanni Battista Ramusio, dans son ouvrage Navigationi e viaggi (1550-1559).

Au-delà de divergences factuelles rares et sans grande portée, ces textes mettent en lumière la violence de l'épreuve et, par contraste, l'acuité et surtout la fraîcheur du regard porté sur le monde radicalement différent, aux yeux de ces méditerranéens, d'une communauté de pêcheurs aux lointaines Lofoten — dans la forme, dans le choix même de certains mots, dans le contenu et l'intention d'ensemble du propos s'entend comme un écho annonciateur d'une littérature utopisante encore à venir (L'Utopie de Thomas More ne paraît qu'en 1516).""

 Source & compléments d'information

Cristoforo Fioravante et Nicolò de Michiel : Ici, cent vingt pêcheurs habitent dans douze maisons ou cabanes. Ils n'ont d'autre ressources que le poisson qu'ils pêchent. (…) Ils échangent les fruits de leur travail les uns contre les autres. Ils vendent des poissons séchés au vent, que dans leur langue ils appellent stock-fisch. Ils en apportent dans toute la Dacia, la Suède et la Norvège, royaumes soumis au roi de Dacia, où ils les troquent contre du cuir, des tissus ou des vivres qui leur manquent. Mais entre eux, ils n'utilisent aucune forme de monnaie battue.""




*Naufragés .Pietro Querini, Cristoforo Fioravante et Nicolò de Michiel.Traduit du vénitien par Claire Judde de Larivière.

*Il naufragio della Querina, traduzione di Paolo Nelli, Roma, Nutrimenti, 2007.


* Les naufragés de Röst.Benjamin Guéri(2007)



La bande dessinée  de Paolo Cossi 
nous raconte  une histoire, une histoire vraie, un fait historique : comment le baccalà a-t-il atteint Venise ? Comment en 1432 un noble vénitien du nom de Pietro Querini a-t-il survécu au naufrage de son navire pour revenir chez lui avec un mets inconnu : la morue séchée ?
Tandis qu'en 2008 un jeune couple visite Venise, Pietro Querini embarque sur son navire pour rejoindre les Flandres en 1432. Des problèmes techniques et une tempête auront raison de son bateau. Seule une partie de l'équipage parvient à survivre et sera sauvée sur l'île de Rost par des Norvégiens : découverte d'une autre façon de vivre, d'autres saveurs... Après quelques mois, ils repartent chez eux avec le baccalà, la morue séchée, qui sera savouré six siècles plus tard en crème par le jeune couple de touristes...
Les amoureux d'Histoire seront comblés par le souci du détail de Paolo Cossi : entretiens nombreux avec le propre descendant de Pietro Querini, travail sur son manuscrit du XVe siècle, recherches documentaires pour les décors vénitiens. Et les amoureux des histoires, anecdotes et récits en tout genre adoreront les explications de l'oncle Paolo sur Venise, ils seront aussi séduits par cette très belle idée de relier la grande Histoire au quotidien contemporain. Les dessins de Paolo Cossi tout en finesse et en élégance lorsqu'il s'agit d'architecture, tout en violence et en émotions pendant le naufrage nous embarquent définitivement...



6 commentaires:

  1. J'ai dans ma bibliothèque Les naufragés de Röst,livre découvert au festival Etonnants Voyageurs de Saint Malo.
    Plus exactement dans ma PAL!!!!
    Il serait temps que je le lise
    Merci Danielle pour ce billet passionnant
    Je vous souhaite une très bonne journée

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  2. Et bien Françoise, vous nous donnerez votre avis.Voici le lien vers les commentaires des lecteurs du" Campiello ..les avis sont partagés.
    http://www.campiello-venise.com/livres/romans_f.htm#NAUFRAGES
    Très bonne journée à vous et bonne lecture
    Danielle

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  3. Je vais acheter la bande dessinée qui a l'air fort belle,et je vais voir si je trouve les livres merci pour cette passionnante histoire.
    Merci beaucoup Danielle pour vos élogieuses remarques sur ma nouvelle, cela m'encourage fortement.
    Très belle journée

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  4. Mais, Marisol, vous méritez amplement ces éloges!!!!!Pour la bande dessinée, je suis assez curieuse d'en découvrir les planches.J'ai fait quelques recherches , les dessins de Cossi me plaisent assez.
    Bonne semaine à vous!

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  5. Cette odyssée du Querina nous évoque ce qui vient
    de se passer au large de Rome. Avec un Commandant
    qui semble avoir oublié les vieilles traditions
    de " les enfants et les femmes d'abord". Curieuse
    époque que la notre . Ces histoires de naufrages
    sont passionnantes à lire. Ce naufrage d'un
    paquebot de tourisme deviendra à son tour ( peut-
    être) un roman ou une bande dessinée.

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  6. Fantastique tout ce que l'on peut apprendre chez toi !
    C'est très intéressant.
    Merci.
    Bises

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